Défense des libertés

Depuis le 24 mars, la préfecture de police de Paris prend quasiment quotidiennement des arrêtés d’interdiction de manifester, couvrant l’essentiel de la ville, dissimulés en fonction des jours par :

– un affichage illisible devant la préfecture ;

– des publications sur des sites internet différents ;

– des mises en ligne après le début de la période d’interdiction, voire le lendemain.

Cette stratégie visant à empêcher les justiciables d’en prendre connaissance et de les contester a porté ses fruits : multiples verbalisations, rejet à deux reprises des référés initiés par le Syndicat des avocats de France, la Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature et l’Union syndicale solidaires, en raison de l’impossibilité pour le juge administratif de se prononcer à temps.

Pour la première fois, un arrêté a été publié le 1er avril 2023, dans un délai permettant au juge des référés du tribunal administratif de Paris de statuer à temps.

Le juge administratif constate son caractère manifestement illégal portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux et ordonne sa suspension.

Communiqué du 3 avril (73.4 KB) Voir la fiche du document

Ordonnance de référé (87.82 KB) Voir la fiche du document

 Parallèlement, à la demande de plusieurs organisations - dont le Syndicat de la magistrature - et de particuliers, le tribunal administratif de Paris a, le 4 avril 2023, enjoint à la Préfecture de police de publier les arrêtés portant interdiction de rassemblements dans certaines zone. Vous trouverez ci-dessous notre communiqué commun :

CP commun - publication des arrêtés (23.06 KB) Voir la fiche du document

Enfin, la liberté de manifester n'étant, à nos yeux, pas détachable des conditions dans lesquelles s'exerce le maintien de l'ordre, nous avons également saisi le Conseil d'Etat en référé pour faire évoluer la prise en compte des multiples manquements déontologiques relatifs à l'identification des forces de l'ordre (numéro RIO, port de la cagoule relevée, etc.). Si cette action a été rejetée en référé par le Conseil d'Etat, nous poursuivrons ce combat, notre recours au fond étant encore pendant devant le Conseil d'Etat.

CP RIO - Un référé pour mettre fin à l'impunité des force de l'ordre (218.02 KB) Voir la fiche du document

CP RIO - Identification des forces de l'ordre : tout va très bien, madame la marquise ! (69.18 KB) Voir la fiche du document

Un référé pour mettre fin à l’impunité des forces de l’ordre

Depuis plusieurs années, nous avons constaté une hausse de la violence dans la stratégie du maintien de l’ordre en France lors des manifestations. A de nombreuses reprises, cette violence en vient à dépasser le cadre de la légalité mettant ainsi gravement en cause les droits fondamentaux.

Alors que ces cas se multiplient, les enquêtes censées pouvoir identifier l’agent ou l’agente en cause n’ont souvent pas la possibilité d’aboutir. Des modalités inadaptées de port du « RIO », le numéro référentiel des identités et de l’organisation que les policiers, policières et gendarmes doivent porter sur le terrain, entraînent l’impossibilité d’identifier des forces de l’ordre qui n’encourent alors pas de sanction. Ce lourd manquement donne lieu à une impunité injustifiable et dangereuse, contraire aux exigences posées par la CEDH.

Les témoignages, les images et les rapports abondent ces dernières semaines pour démontrer un manque de rigueur dans le port du « RIO ». Malgré le fait qu’il soit obligatoire depuis 2013, il est souvent peu visible voire masqué, et les agents et agentes sont parfois même cagoulés, ce que documentent notamment les observatoires des pratiques policières. Ce manquement participe à entretenir un sentiment d’impunité dans l’exercice d’une violence abusive et illégale, dont ont encore récemment fait preuve des membres des forces de l’ordre.

Cette situation est incompatible avec l’Etat de droit et abîme le rapport entre les citoyens et citoyennes et leur police.

Pour toutes ces raisons, nos organisations ont saisi en septembre le Conseil d'Etat pour y mettre un terme. Elles déposent aujourd’hui un référé-liberté pour que le juge puisse faire cesser immédiatement cette situation.

 

Communiqué de presse RIO - référé liberté (72.02 KB) Voir la fiche du document

Sainte-Soline : Déferlement de violences sur les défenseurs du vivant et de la paix

Du vendredi 24 mars au dimanche 25 mars, des mobilisations contre le projet des « mega- bassines » à Sainte-Soline ont réuni près de 30 000 manifestant.es.

Avant même le début des manifestations, le ministre de l’Intérieur annonçait « il n’y aura pas de ZAD à Sainte-Soline », désignant les mobilisations à venir comme des actions de « l’ultra gauche et de l’extrême gauche », reprenant des termes policiers pour désigner les militant.es écologistes, rappelant que « ce ne sont pas les forces du désordre qui vont l’emporter ».

Le déploiement démesuré des forces de l’ordre sur place est venu confirmer que le ministre de l’Intérieur ne visait pas simplement à sécuriser une manifestation mais bien à la réprimer, comme l’avait fait en son temps le Premier ministre Manuel Valls face aux manifestant.es qui défendaient la zone humide du Testet à Sivens.

Les observateurs et observatrices sur place indiquaient dans leur première synthèse, « dès l’arrivée des cortèges sur le site de la bassine, les gendarmes leur ont tiré dessus avec des armes relevant de matériels de guerre : tirs de grenades lacrymogènes, grenades assourdissantes, grenades explosives de type GM2L et GENL, y compris des tirs de LBD40. Nous avons observé des tirs au LBD40 depuis les quads en mouvement ».

Le bilan est sidérant : plus de 200 blessé.es graves, un jeune de 30 ans dans le coma atteint à la tête le samedi à 13 heures 30 et un deuxième manifestant touché à la trachée avec un pronostic vital engagé. Les observateurs et observatrices rapportent que les secours n’ont pas pu accéder à la zone et les blessé.es n’ont pu être évacué.es, les élu.es présent.es sur place essayant de protéger les blessé.es ont été gazé.es.

Le ministre de l’Intérieur a immédiatement fait le tour des plateaux de télévision pour annoncer la présence d’individus connus des services de renseignement et dénoncer la radicalité des participant.es afin de justifier les violences de la part des forces de l’ordre et favoriser une impunité généralisée, quitte à prétendre qu’aucune arme de guerre n’a été utilisée par les forces de l’ordre, à l’inverse de certains casseurs, faisant encore une fois l’amalgame entre manifestant et délinquant.

Aucune leçon n’a été tirée de la mort de Rémi Fraisse, jeune militant écologiste tué par une grenade offensive OFF1 lancée en cloche dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 octobre 2014 par un gendarme qui tenait un terrain vide.

Il n’est plus de doute désormais : la gestion du maintien de l’ordre en France tue, mutile et blesse gravement des centaines de manifestant.es.

Nos organisations demandent à ce qu’une commission d’enquête soit immédiatement ouverte pour faire toute la lumière sur ces événements, qu’un moratoire sur la construction des mega-bassines soit ordonné, que les manifestant.es ne soient pas inquiété.es par des poursuites pénales, que des informations judiciaires soient ouvertes et que les magistrat.es puissent faire leur travail en toute indépendance sur les circonstances qui ont donné lieu à ces violences.

Sainte-Soline : Déferlement de violences sur les défenseurs du vivant et de la paix (68.74 KB) Voir la fiche du document