En raison de contraintes d’agenda, nous ne pouvons malheureusement pas être présents à la réunion sur l'état actuel du système judiciaire en Turquie qui se déroulera au Palais de l'Europe à Strasbourg le 21 juin prochain.

Nous tenions néanmoins à exprimer, une nouvelle fois, notre profonde solidarité à l’égard de l’ensemble des magistrats turcs qui résistent depuis plusieurs années pour l’indépendance du pouvoir judiciaire et le respect des libertés fondamentales au risque très souvent d’être destitués ou arrêtés. Nous nous devons de saluer leur courage !

Le Syndicat de la magistrature a, à plusieurs reprises et notamment au travers de nos représentants à MEDEL, exhorté la France, comme les autorités internationales, à réagir face à la répression arbitraire et à la violation grave des droits fondamentaux sévissant en Turquie.

Toutefois, nous constatons que les graves atteintes portées aux libertés fondamentales, et la destruction de l'État de droit perdurent en Turquie, comme le signale le projet de rapport de la commission des affaires étrangères sur la Turquie du parlement européen déposé le 30 mai 2023.

Dans ce projet de rapport, la commission précise être consternée « par le fait que le recul démocratique s’est poursuivi en Turquie au cours de l’année écoulée, et que cette tendance négative est loin de s’arrêter ou de s’inverser, avec de nouvelles réformes juridiques et une répression sans relâche de toute voix critique, en particulier avant et durant les récentes élections » et constate « avec regret que la Turquie est aujourd’hui devenue mondialement un exemple édifiant pour tous types de pratiques autoritaires ».

S’agissant de l’état actuel du système judiciaire, elle ajoute demeurer profondément préoccupée « par le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, la violation continue de l’obligation de se conformer aux arrêts de principe de la Cour européenne des droits de l’homme, les restrictions graves des libertés fondamentales – en particulier de la liberté d’expression et d’association — et les attaques constantes contre les droits fondamentaux des membres de l’opposition, des avocats, des journalistes, des universitaires et des militants de la société civile en Turquie » et « par la répression continue exercée à l’encontre des responsables politiques, des journalistes, des avocats et des artistes kurdes; exprime son inquiétude face à la détérioration des droits des femmes et à la poursuite des persécutions et du harcèlement des personnes LGBTI+, dont les droits pourraient être réduits davantage par les modifications éventuelles de la constitution turque ».

Le combat est donc loin d’être terminé. Toutefois, frappée par une montée en puissance de régimes autoritaires et populistes, l’ensemble de l’Europe n’est pas épargné. Ces régimes ne cachent pas leur volonté de mettre la justice au pas, remettant en cause de manière systématique son indépendance. En cela la résistance des magistrats turcs est révélatrice des menaces qui perdurent aujourd’hui et nous sert de référence.

Après la Hongrie et la Pologne, la France est aujourd’hui exposée à des tentatives de remises en cause de la liberté d’expression et d’affaiblissement de l’indépendance des magistrats. Le Sénat vient en effet d’adopter le 8 juin un amendement asphyxiant la liberté syndicale des magistrats,quelques jours seulement après que la CEDH venait de rappeler son attachement à la liberté d’expression syndicale du corps judiciaire (SARISU PEHLIVAN contre TURQUIE). Nous nous battons actuellement pour que cette disposition soit supprimée lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale !

Pour citer Simone Gaboriau, ne soyons plus les « victimes largement invisibles » des coups d’État civil et au contraire soyons visibles dans nos combats ! Les magistrats turcs ne sont pas seuls, leur combat est le nôtre !

Comme Murat Arslan l’a déclaré dans son discours de remerciement du Prix Vaclav Havel des Droits de l’homme « Le prix que nous payons sert, au contraire, à accroître notre croyance et notre envie de nous battre pour de beaux jours à venir en faveur des valeurs du droit et de la démocratie.”

 

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